Sur la ferme "La Cabrett' du Viornay" à Marcilly sur Maulne (37), une loge en bruyère se construit, futur lieu d'accueil des activités pédagogiques. Constructions étonnantes de la Touraine angevine, ces loges disparaissent peu à peu du paysage.
Bienvenue sur ce blog pour découvrir la ferme, l'accueil pédagogique et la construction de la loge.

Construction d'une loge en 1942 de A à Z

La plupart des loges à fermes et pannes situées dans le Maine-et-Loire présentent les mêmes caractéristiques structurelles que celles de Vihiers : poteaux plantés, fermes sans entrait à la base, arbalétriers fixés aux poteaux, entrée au pignon, forte pente, bois non équarris, etc. Les poteaux obliques ne sont pas systématiques et sont parfois rajoutés lorsque les poteaux  principaux commencent à déverser.
Leur modalité de construction nous est connue grâce à la publication des observations d’un soldat allemand, témoin en 1941 de la construction d’une loge, près de Beaufort-en- Vallée (Maine-et-Loire). Ce bâtiment, de 7 x 12 m, a été réalisé par un spécialiste et son aide en dix jours, sans compter le temps pour réunir les matériaux. Ces derniers, réunis dans la cour de la ferme, comprenaient 15 troncs d’acacia longs de 3,50 m pour les poteaux, 110 perches de pin pour les chevrons, 270 autres plus fines pour le lattis et la bruyère pour la couverture. Poteaux et chevrons ont été écorcés pendant 4 jours par un homme.
Matériaux pour la construction d’une loge en Anjou
(STEMMERMANN 1942).
Les encoches sont taillées en tête des poteaux plantés
(STEMMERMANN 1942).
Montage de la faîtière en tête des couples d’arbalétriers, fixés
aux poteaux et aux sablières (STEMMERMANN 1942)

Le premier jour, le plan au sol a été tracé, les trous creusés à 1 m de profondeur et les poteaux, disposés en deux rangées de sept poteaux et distants de 2 m, ont été placés dans les trous en tassant la terre autour du pied. Une fois en place, leur tête a été sciée, à 2,10 m de hauteur, en forme d’encoche pour recevoir la sablière.


 
Pose des chevrons en pin, réglés en hauteur à leur pied
(STEMMERMANN 1942).

Montage de la faîtière en tête des couples d’arbalétriers, fixés
aux poteaux et aux sablières (STEMMERMANN 1942).

 Le deuxième jour, les sablières ont été placées et les couples d’arbalétriers, chevillés en tête, ont été dressés à la main depuis le sol, en soulevant à trois hommes la tête et en bloquant le pied. Une ficelle de 8 m de long, attachée en tête du couple et lestée d’une pierre, permettait de régler la hauteur des arbalétriers tout en les levant à partir du pied. Les arbalétriers étaient alors fixés aux poteaux et aux sablières, puis contreventés en pied par des pièces obliques. La faîtière a pu ainsi être placée en tête des arbalétriers (fig. 56), avant la pose des entraits retroussés et des pannes.

Fixation du lattis (STEMMERMANN 1942).
Tissage des bottes des cloisons avec une aiguille
en acacia (STEMMERMANN 1942).
 
Fixation des bottes en rangées verticales
(STEMMERMANN 1942).

Le troisième jour, les chevrons, plus minces, ont été cloués tous les 30 cm et, le quatrième jour, les lattes sur les chevrons, tous les 30-35 cm. Les extrémités des chevrons et des lattes ont alors été recoupées. Le cinquième jour a commencéla pose de la couverture par les arêtes de la croupe,
puis sur les versants en étalant et pressant la botte à l’aide d’un bois de 75 cm de long et en cousant la bruyère aux chevrons. Au huitième jour, la couverture s’est achevée par le faîtage, réalisé en bottes plus petites, attachées deux par deux de chaque côté de la faîtière à l’aide d’une aiguille d’acacia de
50 cm de long. Les parois ont été commencées le neuvième jour, en fixant par l’intérieur des bottes de bruyère, deux par deux et tête bêche pour couvrir toute la hauteur, toujours à l’aide de l’aiguille. Le dixième jour, la loge était achevée.

Si le levage des couples d’arbalétriers se fait ici manuellement, dans certains cas, les fermes sont levées à la chèvre, déjà raidies par les entraits retroussés comme pour celle de La Blairie aux Rosiers-sur-Loire (Maine-et-Loire), construite en 1951 par Émile Berthelot (81 ans). Comme on l’observe aussi sur d’autres loges du canton de Beaufort-en-Vallée, cette charpente est très simple comparée à celle de Vihiers.
L’absence de contrefiche, d’écharpe dans les fermes et de contreventement dans le plan des chevrons lui procure une légèreté qui facilite son montage manuel mais fragilise sa structure sur le long terme. Sans entretien, les poteaux tendent à verser vers l’extérieur sous l’affaissement des fermes, notamment vers l’entrée en raison du poids de la croupe débordante.
Si la plupart des loges de ce type ont des dimensions comprises entre 5 et 7 m de large pour une longueur de 7 à 15 m, cela n’est en rien attribuable aux capacités structurelles de la charpente. En effet, il existe un cas isolé de grande grange appartenant à ce type architectural et qui démontre que ces techniques de charpenterie peuvent être appliquées aux grands édifices.