Sur la ferme "La Cabrett' du Viornay" à Marcilly sur Maulne (37), une loge en bruyère se construit, futur lieu d'accueil des activités pédagogiques. Constructions étonnantes de la Touraine angevine, ces loges disparaissent peu à peu du paysage.
Bienvenue sur ce blog pour découvrir la ferme, l'accueil pédagogique et la construction de la loge.

Ce que sont les loges de bruyère

Leur nom
Les loges de bruyère ont plusieurs noms.
Le bâtiment est aussi appelé "hangar", "lorgeau", plus récemment "chaumine" et la fameuse bruyère "Erica Scoparia" accumule les dénominations : bruyère à balais, brande, grande bruyère, bruyère mâle, cerveline...

Un bâtiment dit "à poteaux plantés"
citations tirées de: Frédéric Epaud, APPROCHE ETHNOARCHÉOLOGIQUE DES CHARPENTES À POTEAUX PLANTÉS : LES LOGES D’ANJOU-TOURAINE, Archéologie Médiévale, tome 39, p. 121-160 © CNRS ÉDITIONS, 2009

La richesse patrimoniale que représente la loge s'explique notamment par ses origines historiques. La loge fait partie des constructions dites "à poteaux plantés". L'ossature est constituée de poteaux directement fichés dans le sol. Ce type de construction a quasiment disparu à partir du Moyen-âge. Elle a subsisté en France jusqu'au XX siècle sous différentes formes, par exemple des constructions ephémères en forêt liées à l'artisanat du bois :
"En France, les données ethnographiques semblent confirmer la survivance du poteau planté jusqu’au XXe siècle. D’après les témoignages photographiques, cette technique a été utilisée dans les loges forestières liées à l’artisanat du bois (cercliers, fendeurs, lattiers, sabotiers, charbonniers…) jusqu’au début du XXe siècle dans de nombreuses régions, mais aucune n’a été conservée. Ces constructions éphémères, érigées pour une saison ou le temps d’une coupe, utilisaient des matériaux prélevés sur place, pas ou peu façonnés, mis en oeuvre par les occupants mêmes, avec leurs propres outils et selon des principes élémentaires. Elles servaient à abriter une famille entière ou bien seulement un homme, d’où la grande variété des formes".
Bûcherons à Amboise (37), AD37
Sabotiers en Corrèze, source : Base PhoCem


Hutte de charbonniers, Nièvre, source: Base PhoCem



Hutte charbonniers Normandie, source: base PhoCem


















Des loges en terre "gâtée"

Les loges en bruyère de la Touraine angevine (... et de l'Anjou tourangeau !) sont une survivance actuelle de ce type de construction aujourd'hui en voie de disparition. Une des raisons, la présence de bruyère mâle dans les landes de ce pays de gâtine, ce pays où les terres sont "gâtées".
"D’après les témoignages photographiques, l’aire de répartition de ces loges, avant le milieu du XXe siècle, s’étendait de la Sarthe jusqu’au Berry, avec des présences attestées en Champagne berrichonne, dans le Chinonais, le Vendômois et en Mayenne. Le fait qu’elles aient subsisté entre Tours et Angers semble lié à un double facteur. Le premier concerne leur mode de couverture, utilisant exclusivement une grande bruyère (Erica scoparia L. ou « bruyère à balais »), haute de 2,50 m à l’âge adulte et récoltée dans les sous-bois après sept ans de pousse. Le second facteur est lié à la nature du sol de cette zone géographique. La répartition des loges subsistantes recouvre en effet une zone pédo-paysagère bien définie dans laquelle pousse abondamment cette grande bruyère mâle.
[...]
Les loges les plus récentes ont été érigées entre 1945 et 1955 et les plus anciennes conservées à l’heure actuelle datent du début du XXe siècle seulement, leur couverture ayant été refaite au moins une fois. Il est difficile de connaître l’ancienneté de ce mode architectural. Si les cadastres napoléoniens et les plans terriers du XVIIIe siècle du Maine-et-Loire et de l’Indre-et-Loire ne distinguent pas ces loges des autres bâtiments de ferme, en revanche les terriers mentionnent parfois au XVIIIe siècle une « loge faite de bois et
couverte de boure » ou des « granges couvertes de bruère », mais rien ne désigne l’usage du poteau planté."
Des loges... pour quoi ?
Ces loges, dans la moitié du XXème siècle, étaient présentes dans la plupart des cours de ferme entre Angers et Tours. L'épaisseur de brande permettait de conserver une température et une hygrométrie constantes au fil des saisons. Pour cette raison, on y stockait les outils en bois, les charrettes, pour éviter de faire travailler le bois, de l'user précocement. On y entreposait des ateliers de fabrication de cidre, de vin, du tabac à sécher, du foin... parfois la loge servait de poulailler, abritant une basse-cour.
Dans l'entre-deux guerre, les tôles étant trop chères, il semblerait qu'on se soit remis à fabriquer ces hangars de bruyère.
Dans les photos ci-dessous, extraites des archives départementales d'Indre-et-Loire, on aperçoit des loges dans les cours de ferme, parfois de manière très évidente, parfois on hésite à distinguer la loge d'une meule de foin...






Les loges les plus récentes existant encore aujourd'hui ont été construites par Georges Rousseau, paysan et ouvrier agricole retraité. Il a participé et guidé la construction de 17 loges dans sa vie autour de Sonzay, Ambillou, Cléré-les-pins (37).
Celles-ci mises à part, les quelques autres loges qui existent encore aujourd'hui sont souvent dans un état de délabrement avancé. Elles étaient abattues ou brûlées, encore récemment, parce qu'elles renvoyaient à une forme de précarité, des bâtiments qui "ne coûtent pas cher", qui ne sont pas "en dur", faites avec des matériaux communs, prélevés dans les environs de la ferme.

Principes de construction

les loges sont constituées de perches de pin ou châtaigner directement fichées dans le sol. [à suivre]